Lundi, Anne Herbauts

Lundi, Anne Herbauts, les albums Duculot, Casterman, 2004 .

 

 

Une des questions que l'on peut se poser lorsqu'on découvre Lundi, écrit et illustré par Anne Herbauts, est comment lire cet album aux enfants. L'ouvrage s'appréhende à travers les trois dimensions : le texte, l'image et le support du livre-objet. Derrière une histoire simple d'amitié, et de manière poétique, se perçoit tout un travail littéraire et tactile pour aborder le temps qui passe et ses conséquences émotionnelles.

 

L'histoire

L'album raconte l'histoire de Lundi, personnage anthropomorphe sous des allures de pingouin, qui vit seul au chaud dans une toute petite maison isolée et cossue. Deux amis lui rendent visite : Théière, une théière et Deux Mains, un personnage à deux mains. Ensemble, ils passent le temps à boire du thé et à jouer du piano. Après le passage des saisons, un jour d'hiver et de neige, Lundi, qui s'est aventuré dehors, disparaît dans la nature. Ses amis, soucieux, le chercheront en vain.

 

Le thème du temps qui passe

La notion de temps est présente tout au long de l'album et sous plusieurs angles : la semaine, les saisons et la vie en général accompagnée des saveurs de son quotidien telle l'amitié ou la douce sensation du thé chaud. Inéluctablement, la vie mène à la disparition, la mort et au renouveau.

« Et le lundi suivant vint, un peu différent cependant... »

 

La poésie de l'ouvrage

La poésie de l'ouvrage est à la fois présente dans le texte et à travers l'objet du livre lui-même.

 

Poésie du texte

Un des aspects poétiques le plus mis en valeur dans le texte est la place importante réservée à l'oralité.

Place de l'oralité

Lundi est entouré de Théière (''t'es hier'') et Deux Mains (''demain''). La lecture silencieuse seule ne permet pas de saisir l'intention temporelle du choix de ces personnages. C'est en lisant le texte à voix haute, ou en racontant l'histoire à quelqu'un, que l'évidence se fait.

Poèmes

Différents types de textes sont présents dans l'album. Le poème et le jeu des sonorités tiennent une place importante dans l'ouvrage :

« Fol Automne je suis ! Je vire, je vente,

je virevolte, rouge, rouille,

j'embrouille, je mens, je vole, je m'envole,

je ris, je fuis ! »

Clin d'œil à la musique

La présence des instruments de musique des personnages qui partagent des moments de vie ensemble autour de leur écoute (piano, accordéon) fait écho à la musicalité du texte.

 

Poésie de l'objet

Renforçant l'intention poétique, la matérialité du livre qui invite au toucher, évolue avec le texte.

Avant même d'ouvrir l'album, le découpage en forme de logis de la première de couverture laisse apparaître l'intérieur de la maison du personnage principal. Différents reliefs arrivent également au moment opportun tout au long de l'album (ex : les flocons de neige qui recouvrent la double page et ensevelissent Lundi). Cet embossage de l'album s'accompagne de l'évolution du grammage des pages qui varie en fonction de l'histoire. En effet, telle une pyramide inversée, l'épaisseur des feuilles qui composent le livre s'amenuise au fur et à mesure que le personnage du pingouin disparaît, puis s'épaissit à nouveau avec la renaissance du prochain ''lundi''.

 

Conclusion

Lundi est un album qui s'appréhende dans sa matérialité en parallèle de la narration. Il semble réclamer une lecture privilégiée avec un petit nombre d'enfants. Le texte se lit à voix haute pendant que les pages invitent au toucher. La relecture de certains passages est une nécessité pour bien saisir l'intention thématique et poétique de l'ouvrage, mais également pour engager le débat autour du temps qui passe et enrichir les hypothèses sur le devenir du personnage principal.

 

Propositions d'activités à mener en classe

Pour prolonger les notions de support/image, de l'oralité et de la poésie, trois ateliers d'expression peuvent être proposés à une classe dès le CE1 en adaptant les questions en fonction de la maturité des enfants.

 

Autour du personnage et de sa maison

Demander aux élèves de bien observer la première de couverture et les inviter à créer un nouveau ''lundi'' à la manière de l'auteur (découpage d'une maison, décoration, représentation de sa passion).

Autour du thème de la disparition

Débattre des conséquences de la disparition de Lundi : Théière et Deux Mains sont-ils tristes ? Comment réagissent-ils ? Définir les notions de ''soutien'' et de ''souvenir'' en s'appuyant sur l'album. Des extraits de textes de Georges Perec (Je me souviens) et de Philippe Delerm (Les petits riens, La première gorgée de bière) peuvent venir enrichir le débat et inviter les élèves plus à l'aise en expression à un travail d'écriture.

 

Autour de l'ensemble de l'ouvrage

Après la lecture de l'ouvrage et la mise en place des activités, il est possible de recueillir les impressions spontanées sous la forme de lancement de mots. On invite les élèves à partager leur ressenti en ne donnant qu'un seul mot à la fois. Cette activité fait appel à une sincérité émotionnelle et permet de faire raisonner différents liens tout en étant précis et concis.

Exemple : blanc, triste, vie, douceur, amis...etc...

 

Mise en réseau

À la suite de la lecture de cet album créé par Anne Herbauts, on peut proposer d'autres ouvrages du même auteur et/ou choisir des livres qui font écho à certains aspects de l'ouvrage.

 

Les livres tactiles

Le grand livre noir des couleurs de Menena Cottin et Rosana Faria (Rue du Monde) est un ouvrage à destination des non-voyants. Écrit en braille et traduit, il raconte le ressenti d'un enfant aveugle face aux différentes couleurs.

 

La disparition et le souvenir

Quartier d'orange de François Legendre et Natali Fortier (Thierry Magnier), raconte l'histoire d'un enfant qui perd son grand-père et se rappelle des moments partagés avec lui à partir de l'odeur de l'orange.

Nulle part partout de Gaëtan Dorémus (Autrement) aborde également la disparition d'un ami proche :

Ils ont fouillé les buissons, les collines et les plages ;
Ils ont scruté les mers, la bleue, la rouge, la noire ;
Ils l'ont cherché dans le ciel, dans les étoiles
Et les nuages... Ils n'ont pas trouvé, il n'est nulle part...
Pourtant, partout son souvenir demeure...

Le temps qui passe

Une seconde, une minute, un siècle de Catherine Grive et Muriel Kerba (Gallimard Jeunesse), permet d'appréhender le temps différemment, parfois de manière objective et parfois de manière drôle et subjective.

Moi j'attends de Serge Bloch et Davide Cali (Sabarcane), est le prix Baobab 2005. Émouvante et réaliste, l'histoire retrace le vécu d'un homme qui suit le fil de sa vie.
http://www.voielivres.ch/un-lundi-pas-comme-les-autres/

 




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